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Toujours je reverrai l’étroit sentier humide,
Entre des prés mouillés où de grands bœufs superbes
Paissaient dans l’infini scintillement des herbes
Qui luisaient sous un ciel d’un gris sombre ou livide ;

Au fond des prés la mer, par l’orage bleuie,
Reposait lourdement sous d’immenses nuages,
Que des coups de soleil mêlés de coups de pluie
Trouaient et déchiraient de monstrueux ravages ;

Près de nous ruisselaient des saules et des haies
De ronces, de sureaux et de jeunes futaies,
Où parfois un rayon éparpillait des flammes.

Va c’est là que de long en large nous marchâmes,
Jusqu’à l’heure où le soir mit ses premières taies
Sur le ciel, débattant le sort de nos deux âmes.