table et le prolonge. Tout le reste nous égare. De là, chez Nietzsche, des aphorismes réversibles :
La civilisation c’est l’unité du style artiste dans toutes les manifestations de la vie d’un peuple [1].
et d’autre part :
L’aboutissement de tout monde d’art est une civilisation intellec-I tuelle [2].
Créer une civilisation, c’est, en effet, la manière humaine de travailler à une sélection meilleure et à une meilleure adaptation. C’est se rendre compte lucidement des limites de la vie, et de sa présente débilité ; c’est sentir en soi un besoin de la parachever, de préparer la naissance d’une espèce supérieure. Voilà des qualités que possèdent, à un degré moindre, tous les vivants. Mais la tragédie grecque n’en glorifiait pas d’autres. Elle propageait une vivante contagion d’amour. Elle nous baignait du profond remous de cette vie, dont tout le désir est de se dépasser. Mais elle enseignait la clarté du regard, l’analyse de soi, la réflexion qui fixe en desseins précis nos velléités impétueuses et vagues. Fougue dionysiaque et sagesse apoUinienne, ce sont les noms psychologiques et divins de puissances présentes dans les plus humbles vivants et qui subsistent dans le plus haut épanouissement de l’homme, parce qu’elles sont créatrices. Ainsi pouvons-nous deviner quelle est la direction où elles nous entraînent.
Toute espèce animale a pour raison d’être l’exemplaire d’élite, plus fécond, plus puissant, plus compliqué et plus rare qui sortira d’elle et fixera les caractères de cette espèce dans une forme nouvelle et supérieure. La