solaire, inventèrent l’expédient de connaître ». Et c’est une prétention en effet singulière, puisque au bout d’un instant, quand notre planète sera refroidie, ces ingénieux animaux devront mourir. L’intelligence est une ombre fugitive et débile dans un univers qui n’a pas souci d’elle. Mais quel en est alors le rôle ? Il ne suffit pas que l’orgueil démesuré de l’homme s’imagine connaître le vrai pour que cette prétention soit fondée.
Pascal s’était demandé comment était venue à l’homme la certitude religieuse ; et il s’était efforcé d’en stimuler en lui le besoin. Nietzsche souffre de la dégénérescence de l’homme ; mais il se demande comment, tombé si bas, l’homme peut avoir le besoin de la vérité.
Sa philosophie, dès ce premier moment, a cela de commun avec Pascal qu’elle n’est pas une « théorie »,. mais une psychologie de la connaissance. Cette psychologie se sert de ressources multiples. Schopenhauer et Emerson s’y rencontrent avec Platon, et les moralistes français avec Darwin. Mais elle procède par hypothèses, plutôt que par recherches exactes, fidèle en cela à la doctrine de Nietzsche sur la philosophie. Pour Nietzsche, il y a, en effet, deux usages de la pensée. Il y a, d’une part, le tâtonnement empirique et la recherche laborieuse des causes secondes ; et d’autre part, il y a la généralisation du génie, qui va d’un seul coup d’aile aux explications dernières. Ainsi procédaient les philosoplies grecs. Nietzsche interprète les données d’une psychologie introspective empruntée aux moralistes français de l’époque classique par une pensée générahsatrice empfuutée au transformisme darwinien, à Platon et à Schopenhauer. Sa philosophie est un schopenhauérisme poussé dans le sens du platonisme et modernisé par l’addition de cette théorie formulée auparavant par Taine : « La loi de sélection, s’applique aux événements mentaux. »