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usuelles qui expliquent la pensée d’un grand écrivain par sa vie. Dans une âme aussi embrasée que Nietzsche du dévouement à une mission intemporelle, c’est, pour le moins autant, la vie qui s’explique par la pensée. L’existence de Nietzsche, très dénuée d’événements matériels, est déchirée de drames intérieurs. Étrangère à l’histoire générale de son temps, elle la

    ration du plus fidèle ami de Nietzsche, Franz Overbeck, et de la compagne de sa vie, heureusement survivante, Mme Ida Overbeck. Elle a pour monument principal le livre de Carl-Albrecht Bernoulli intitulé Franz Overbeck und Friedrich Nietzsche, Iéna, chez Diederichs, 2 vol. in-8, 1908. C’est une heureuse fortune pour Mme Foerster d’avoir eu pour adversaire l’un des premiers écrivains aujourd’hui vivants, le romancier, le poète lyrique, le puissant dramaturge en qui l’opinion européenne saluera un jour l’un des grands écrivains nationaux de la Suisse.

    Carl-Albrecht Bernoulli n’a pas cessé d’être pour Mme Foerster un ennemi combatif et redoutable, rompu à toutes les méthodes de la science, d’un talent supérieur, mais d’une loyauté chevaleresque, d’une probité rigoureuse et d’un véritable génie psychologique. Il a défendu avec bravoure son maître Franz Overbeck contre plus d’une médisance et plus d’un coupable silence. Il a recueilli tous les témoignages suisses sur la vie de Nietzsche. Il a démontré, victorieusement, que l’amitié de Franz Overbeck a été « l’épine dorsale » vraie de la vie de Nietzsche et maintes fois l’auxiliaire utile de sa pensée. Si l’œuvre de Nietzsche, surtout en matière d’exégèse chrétienne, peut résister à la guerre sournoise ou aux assauts publics que reprennent sans cesse contre elle les orthodoxies périmées, elle le doit à l’appui que Nietzsche a toujours trouvé dans l’érudition et dans la forte pensée de ce grand théologien, Franz Overbeck. Elle le devra à l’intelligente défense posthume que l’auteur autorisé de Johannes der Täufer und die Urgemeinde, 1917, C.-A. Bernoulli, apporte à la psychologie religieuse de Nietzsche. Ce serait beaucoup d’acharnement à perpétuer des querelles mesquines, si Weimar ne discernait pas où sont ses véritables alliés.

    Tout le monde aura lu avec agrément le joli livre où Daniel Halévy a décrit, à l’usage du grand public français, la Vie de Nietzsche, in-12, 1909. Plusieurs philosophes, dans une préoccupation analogue à la mienne, ont dû, pour reconstruire la doctrine de Nietzsche, résumer sa vie. On pourra lire avec confiance Raoul Richter, Friedrich Nietzsche, sein Leben und sein Werk, 1903. Richard M. Meyer, Friedrich Nietzsche, sein Leben und seine Werke, 1913, a une inexplicable défiance de Franz Overbeck. Je considère comme un privilège d’avoir pu connaître encore le livre substantiel et limpide d’un philosophe américain, William M. Salter, Nietzsche the Thinker, 1917, et le magnifique et profond essai d’Ernst Bertram, Nietzsche, Versuch einer Mythologie, 1919. Il me faut réserver pour la bibliographie générale ou citer, au cours du récit, les autres ouvrages qui m’ont été utiles.