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l’estomac vide et le corps fatigué ; tous leurs désirs se concentraient sur une bonne auberge.

La route traversait un bois d’oliviers, après lequel la voiture s’arrêta enfin devant un cabaret isolé. Une douzaine de mendiants estropiés entourèrent les voyageurs ; le plus valide, pour nous servir d’une expression de Maryat, ressemblait au fils aîné de la faim parvenu à l’âge de sa majorité ; les autres étaient ou aveugles ou paralysés et quelques-uns, faute de jambes, marchaient avec les mains.

— Eccellenza, miserabili ! crièrent-ils en montrant leurs membres infirmes.

L’hôtesse, les pieds nus, les cheveux tout emmêlés, vêtue d’une blouse sordide, vint au-devant de ses hôtes.

Les portes de la salle étaient attachées avec des ficelles ; le sol se composait d’un mélange de pavés, de briques et de boue ; des chauves-souris grouillaient au plafond, et, chose plus grave, tout le logis exhalait une odeur pour laquelle il n’existe pas d’expression.

— Servez-nous à manger dans l’écurie, dit un des voyageurs ; là, du moins, on sait ce qu’on sent.

Bien entendu, les mendiants n’avaient pas cessé un seul instant leurs lamentations : « Miserabili ! Eccellenza ! »

Le dîner fut composé d’une soupe à l’eau rehaussée d’huile rance, de poivre et de sel ; d’une salade assaisonnée avec les mêmes ingrédients, d’œufs plus ou moins frais et de crêtes de coqs. Le vin même avait un goût inquiétant ; c’était une véritable médecine.

À la nuit, on barricada les portes avec des malles.