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gnifiques salons et des boudoirs d’une merveilleuse élégance. De longs rideaux de mousseline de l’Inde flottaient devant les fenêtres entrouvertes, et des fleurs rares y brillaient de tous côtés dans des vases de porcelaine de Chine ou de cristal de Bohême. Ce fut un de ces beaux vases qui reçut la petite branche de pommier. Elle fut entourée de jeunes pousses de hêtre, ce qui produisait un effet ravissant.

Ainsi choyée, elle devint encore plus fière, ce qui du reste était tout naturel.

Plusieurs personnes entrèrent dans le salon, et chacune, suivant la considération dont elle jouissait, appréciait les grâces de la nouvelle venue. Il y en avait qui ne disaient rien, d’autres qui en disaient trop ; et la plante comprit qu’il y a des distances entre les hommes comme entre les plantes.

— Parmi nous, se dit-elle, il en est qui sont recherchées pour leur beauté, d’autres pour leurs fruits. Il y en a aussi qui ne servent à rien.

Puis elle regarda par la fenêtre le jardin et les champs couverts de fleurs simples ou riches, modestes ou éclatantes. Quelques-unes, malingres et chétives, semblaient vouloir se cacher.

— Pauvres plantes dédaignées, dit la branche de pommier, quelle différence de vous à vos compagnes ! Combien vous devez vous trouver malheureuses, si, comme moi et mes semblables, vous possédez le sentiment des avantages qui vous manquent. Mais quoi ! tout le monde ne peut pas être dans la même position.

Ce disant, elle considérait surtout avec pitié une espèce de petites fleurettes répandues en quantité dans