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Et ils craquèrent lamentablement, et chantèrent :

 
Cric, crac ! cric, crac ! crac !
C’est fini ! c’est fini ! c’est fini !


« Pas sitôt, répondit le chanvre ; voilà une bonne matinée, le soleil brille, la pluie me fait du bien, je me sens croître et fleurir. Ah ! je suis bien heureux ! »

Mais un beau jour il vint des gens qui prirent le chanvre par le toupet, l’arrachèrent avec ses racines, et lui firent bien mal. D’abord on le mit dans l’eau comme pour le noyer, puis on le mit au feu comme pour le rôtir. Ô cruauté !

« On ne saurait être toujours heureux, pensa le chanvre ; il faut souffrir, et souffrir c’est apprendre. »

Mais tout alla de pis en pis. Il fut brisé, peigné, cardé ; sans y comprendre un mot. Puis on le mit à la quenouille, et rrrout ! il perdit tout à fait la tête.

« J’ai été trop heureux, pensait-il au milieu des tortures ; les biens qu’on a perdus, il faut encore s’en réjouir, s’en réjouir. » Et il répétait : « s’en réjouir, » que déjà il était, hélas ! mis au métier, et devenait une magnifique pièce de toile.

Les mille pieds de chanvre ne faisaient qu’un morceau.