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« Ne l’ai-je pas dit ? s’écria t-elle ; je suis trop fine.

— Elle ne vaut plus rien maintenant, » dirent les doigts.

Pourtant ils la tenaient toujours. La cuisinière lui fit une tête de cire, et s’en servit pour attacher son fichu.

« Me voilà devenue broche ! dit l’aiguille. Je savais bien que j’arriverais à de grands honneurs. Lorsqu’on est quelque chose, on ne peut manquer de devenir quelque chose. »

Et elle se donnait un air aussi fier que le cocher d’un carrosse d’apparat, et elle regardait de tous côtés.

« Oserai-je vous demander si vous êtes d’or ? dit l’épingle sa voisine. Vous avez un bel extérieur et une tête extraordinaire ! seulement, elle est un peu trop petite ; faites vos efforts pour qu’elle devienne plus grosse, afin de n’avoir pas plus besoin de cire que les autres. »

Et là-dessus notre orgueilleuse se roidit et redressa si fort la tête, qu’elle tomba du fichu dans l’évier que la cuisinière était en train de laver.

« Je vais donc voyager, dit l’aiguille ; pourvu que je ne me perde pas ! »

Elle se perdit en effet.

« Je suis trop fine pour ce monde-là ! dit-elle pendant qu’elle gisait sur l’évier. Mais je sais ce