Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup ; ils avaient des idées sur toute chose. L’abbé prit le premier la parole et la garda ; seulement il eut le malheur de tousser pendant quelques secondes, et son auditeur passa à l’état d’orateur. Il ne perdit pas de temps ; les mots se pressaient, les idées les poussaient, et il jaillissait de vives étincelles de ce choc. Tout le monde qui était dans le salon écoutait religieusement ; on crut que la Prusse l’emporterait pour la sagacité ingénieuse de ses aperçus et la durée de ses paroles ; mais il fallut se moucher, et l’abbé de Pradt reprit ses avantages. Son éloquence était entraînante, et il faisait si bien valoir toutes les raisons de ses opinions, que, tant qu’il parlait, chacun pensait avec lui et comme lui. M. de Humboldt eut bien de la peine à saisir entre deux phrases un moment pour reprendre le fil de son propre discours ; mais l’abbé n’avait pas fini le sien et le continua. Il s’ensuivit un véritable duo : tous deux parlaient en même temps et ne s’en apercevaient pas. Chacun eut ses auditeurs qui l’écoutèrent exclusivement, et eux-mêmes s’entendaient réciproquement tout en parlant, M. de Humboldt a dit depuis en riant qu’il n’avait pas perdu un mot de l’abbé ; et, pour le