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hiérarchie issue de Bélokrinitsa et adhèrent à la circulaire de 1862 ; 3o  ceux qui, tout en reconnaissant le nouvel épiscopat, rejettent l’encyclique comme entachée d’hérésie. Entre ces trois partis, entre les deux derniers surtout, de beaucoup les plus considérables, la lutte est très vive. Tous deux ont chacun leurs évêques qui parfois s’excommunient et se déposent les uns les autres. On a vu en différentes villes, à Moscou notamment, libéraux et intransigeants élever autel contre autel, chaire contre chaire. Moscou a possédé, durant plusieurs années, une double hiérarchie de prélats starovères qui s’anathématisaient réciproquement. Aussi ne saurait-on s’étonner que les discordes des popovtsy leur aient fait perdre du terrain au profit des sans-prêtres, si bien qu’à en croire certains observateurs l’ancienne proportion numérique des deux branches du schisme tend à se renverser au détriment de la popovstchine.

La reconstitution d’un épiscopat vieux-ritualiste n’a pu ainsi mettre fin aux divisions des partisans des vieux rites. L’esprit de secte, inhérent au raskol, a survécu. La tolérance relative montrée au schisme sous Alexandre III semble avoir encore attisé ses querelles intestines. Depuis qu’ils sont libres de vaquer à leurs fonctions, les évêques vieux-croyants ont pu donner cours à leurs rivalités. Longtemps, sous Nicolas, sous Alexandre II même, ils avaient été obligés de se cacher et de se déguiser pour visiter leur troupeau. Vers la fin du règne d’Alexandre II, tout l’épiscopat starovère était en exil ou en prison. L’État avait traité ces pseudo-évêques comme des usurpateurs qui s’appropriaient indûment des dignités auxquelles ils n’avaient aucun droit[1]. Ceux d’entre eux qui étaient tom-

  1. Tout illicite qu’en est l’origine, il semble difficile, au point de vue théologique, de nier la validité de cette hiérarchie « ancienne-orthodoxe » (drevlé-pravoslave) qui tient directement ses pouvoirs d’éêques d’Orient. Elle est, vis-à-vis de l’Église gréco-russe, à peu près dans la même situation que la hiérarchie janséniste d’Utrecht vis-à-vis de l’Église romaine.