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l’oblige à se prêter à des pratiques peu dignes de l’Église ; elle fait quelquefois de lui le complice des superstitions populaires. C’est ainsique longtemps s’est perpétué l’usage d’emporter des prières dans un bonnet pour les femmes en couches. Le paysan tendait son bonnet fourré (chapka) pour que le prêtre pût y réciter ses orémus. La prière dite, il fermait avec soin le bonnet pour ne pas la laisser échapper et la transmettre intacte à l’accouchée, sur la tête de laquelle il la répandait en agitant sa chapka. Cette coutume, condamnée par le Règlement spirituel de Pierre le Grand, a, dans certaines contrées, persisté jusqu’à nos jours. On comprend la faiblesse du pope vis-à-vis de superstitions dont il vit.

En dehors même de l’izba du moujik, la religion ou mieux le cérémonial religieux tient encore une grande place dans la vie russe, dans la famille, dans les affaires. Pour tout événement important, pour un anniversaire, pour un retour ou pour un départ, lors d’un emménagement ou lors d’un voyage, au début ou à la conclusion de toute entreprise, le Russe demande la bénédiction de l’Église et de ses ministres. On appelle le clergé dans les maisons pour chanter des Te Deum et bénir les fêtes de famille ; c’est pour lui une occasion de réjouissance et de bonne chère en même temps que de profit. Le pope n’attend pas toujours d’être invité. Il y a des époques, à Noël, à l’Epiphanie, à Pâques, où il est d’usage que le clergé aille bénir les demeures de ses paroissiens. Une coutume semblable existe encore en quelques pays catholiques. Dans les villes et les campagnes de Russie, le prêtre et le diacre, en habits sacerdotaux, s’en vont de maison en maison chanter un alléluia. À peine introduits, ils se tournent vers les saintes images, récitent rapidement leurs prières, donnent aux assistants la croix à baiser, empochent leur argent et s’en vont recommencer ailleurs. Il est des maisons où on les fait parfois recevoir dans l’antichambre par des domestiques ; il en est où, en leur remettant la gratification