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d’abord, en tenant compte des restrictions et des atténuations apportées par l’auteur.

Voici ce piquant morceau de pédagogie critique :

« La famille de Louis XIV nous offre aussi, toute proportion gardée, un prince élevé à la façon de Gargantua d’après la méthode traditionnelle, et un prince élevé comme Eudémon, d’après une méthode plus rationnelle. Le dauphin, élevé par Bossuet, resta d’une déplorable médiocrité ; le duc de Bourgogne, élevé par Fénelon, devint un homme remarquable. Cela tenait aux dispositions des élèves, sans doute, mais cela tenait encore plus au mode d’enseignement. Bossuet appliqua le système de Jobelin ; beaucoup apprendre par cœur. Fénelon se rapprocha du système de Ponocrates ; il mit son élève en rapport direct avec les choses, et, pour l’élever à sa hauteur, il commença par se faire jeune et ignorant comme lui. Les deux systèmes sont écrits dans les ouvrages composés par les deux évêques pour leurs élèves. Bossuet présente la science dans toute son aridité et son austérité. Voyez plutôt l’Histoire universelle, la Politique tirée de l’Écriture Sainte, la Connaissance de Dieu et de soi-même. Y a-t-il là un seul mot qui suppose un auditeur jeune et ignorant ? L’illustre écrivain descend-il quelque peu de ses hauteurs pour se mettre à la portée de son élève ? Jamais. Il s’impose, il faut qu’on le croie ; il faut qu’on apprenne sans com-