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blie. Mais on a vu à la réflexion qu’il est, en effet, un peu paradoxal à sa manière. Il est prodigieusement habile dans la démonstration : il faut qu’il démontre toujours, et il aime parfois à soutenir fortement des opinions extraordinaires et même stupéfiantes.

Par quel sort cruel devais-je aimer et admirer un critique qui correspond si peu à mes sentiments ! Pour M. Ferdinand Brunetière, il y a simplement deux sortes de critiques, la subjective, qui est mauvaise et l’objective, qui est bonne. Selon lui, M. Jules Lemaître, M. Paul Desjardins, et moi-même, nous sommes atteints de subjectivité, et c’est le pire des maux ; car, de la subjectivité, on tombe dans l’illusion, dans la sensualité et dans la concupiscence, et l’on juge les œuvres humaines par le plaisir qu’on en reçoit, ce qui est abominable. Car il ne faut pas se plaire à quelque ouvrage d’esprit avant de savoir si l’on a raison de s’y plaire ; car, l’homme étant un animal raisonnable, il faut d’abord qu’il raisonne ; car il est nécessaire d’avoir raison et il n’est pas nécessaire de trouver de l’agrément ; car le propre de