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Je viens de lire les leçons professées à l’École normale par cet habile maître de conférences, sur l’Évolution de la critique depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, et je n’éprouve aucun déplaisir à dire très haut que les idées y sont conduites avec beaucoup de méthode et mises dans un ordre heureux, imposant, nouveau. Leur marche, pesante mais sûre, rappelle cette manœuvre fameuse des légionnaires s’avançant serrés l’un contre l’autre et couverts de leurs boucliers, à l’assaut d’une ville. Cela se nommait faire la tortue, et c’était formidable. Il se mêle, peut-être, quelque surprise à mon admiration quand je vois où va cette armée d’idées. M. Ferdinand Brunetière se propose d’appliquer à la critique littéraire les théories de l’évolution. Et, si l’entreprise en elle-même semble intéressante et louable, on n’a pas oublié l’énergie déployée récemment par le critique de la Revue des Deux Mondes pour subordonner la science à la morale et pour infirmer l’autorité de toute doctrine fondée sur les sciences naturelles. C’était à l’occasion du Disciple et l’on sait si M. Brunetière ménageait alors les remontrances à ceux qui pré-