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décidé que les évêques seraient élus par les fidèles et ils ne souffrirent pas que ces élections fussent soumises à l’approbation de l’évêque de Rome. Il suffisait, pour eux, qu’il en fût respectueusement averti. Le premier Consul en ordonna tout autrement à ce sujet. S’il refusa de même la nomination des évêques au Saint-Siège, il voulut que cette nomination fût faite non par le peuple, mais par lui-même. En vertu du Concordat, les curés étaient nommés par les évêques et les évêques par un soldat. Mais au Pape revenait l’institution canonique. Le Concordat restituait ainsi au Saint-Siège une prérogative que l’Assemblée constituante lui avait enlevée. Bonaparte comptait bien obliger le Pape à donner l’institution canonique à tous les évêques nommés par lui. Et, pour commencer, il obligea Pie VII à la donner à dix évêques constitutionnels, c’est-à-dire à des intrus, à des schismatiques, à des excommuniés, et à la retirer à quarante évêques qui avaient refusé le serment pour obéir au Saint-Siège. Le Pape but cette honte. Il institua les boucs, destitua les agneaux. Et, ayant renié la justice et accompli l’iniquité, il redevint le chef spirituel de l’Église de France. Non seulement il obtenait que ses droits à donner l’institution canonique fussent inscrits dans les lois de l’État français, mais il établissait, par un précédent mémorable, qu’il pouvait donner ou refuser l’institution sans alléguer aucun motif, puisque son premier acte avait été d’accorder l’investiture à des intrus et de la retirer à des pasteurs fidèles, à des confesseurs de la foi, à des martyrs