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France entre réfractaires et jureurs, c’est-à-dire entre les prêtres de l’ancien régime et les prêtres du nouveau régime[1].

La loi du 3 ventôse an III (21 février 1795), votée par la Convention sur les conclusions de Boissy d’Anglas, rompit tous les liens qui rattachaient l’Église à l’État. Rompre leurs liens, c’était bientôt fait, mais comment les séparer ? Ils se tenaient à la gorge. Après la séparation comme avant, ce fut une lutte atroce. En l’an IV, Stofflet se battait en Anjou, Charette en Vendée, les colonnes mobiles refoulaient les brigands et passaient par les armes les prêtres de la chouannerie. Les ecclésiastiques réfractaires étaient recherchés, jugés, guillotinés. Les compagnies de Jéhu et du Soleil terrorisaient le Sud-Ouest ; le comte d’Artois était à l’île d’Yeu avec la flotte anglaise.

Dans cette terreur et parmi ces violences, quels effets pouvait produire la séparation légale ? Ce qui est certain, c’est qu’après cinq ans de guerre civile, le clergé réfractaire, proscrit, traqué, emprisonné, se trouva le plus fort. Il avait contre lui les législateurs et les lois. Il avait pour lui le peuple des campagnes, ému de ses malheurs. Il avait pour lui la pitié et la vénération des simples, la faveur des agioteurs, des acquéreurs de biens nationaux devenus contre-révo-

  1. Sur la constitution civile du clergé, voir le livre charmant et profond, d’un grand sens historique : Edme Champion. La Séparation de l’Église et de l’État en 1794. Introduction à l’Histoire religieuse de la Révolution française. 1903.