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raître devant le Saint-Office. Et je laisse derrière moi des évêques qui donnent, dans chaque mandement, à M. le ministre des Cultes les noms de Domitien, d’Hérode, de Robespierre, de Néron, de Barrabas et d’Olibrius. Ils siègent au milieu de la vénération des fidèles ; Rome estime leurs vertus et leur doctrine. Si j’avais imité leurs travaux apostoliques, je porterais encore la mitre et je goûterais à Laval les joies du Carmel. »

M. Geay, dès son arrivée à Rome, fut reçu par le cardinal Merry del Val, secrétaire d’État du Saint-Siège. Il le trouva « plus insensible que le marbre d’un sépulcre ».

— Éminence, lui dit-il, je ne suis pas un révolté, ni un schismatique ; je suis un modeste évêque français qui ne songe pas à mettre en échec la suprématie de Rome, mais qui, ayant pendant huit années souffert persécution pour obéir aux lois de son pays, ne voulait pas que son dernier acte fût une négation de son passé, ni sa personne un prétexte de discorde entre les deux puissances qu’il a jointes dans le serment de son sacre. Si, malgré ma situation intolérable, je ne suis pas venu plus tôt, c’est que j’attendais le jour où je pourrais faire à leur entente un sacrifice pacifique.

Le Cardinal répondit :

— Il faudra donner votre démission.

M. Geay se montra enclin à l’obéissance.

— Je suis venu pour me mettre entre vos mains, dit-il ; vous ferez de moi ce que vous voudrez, et