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n’y eut, autant dire, que deux partis : les ministériels et les gens d’Église, qui furent abondants en intrigues et excellèrent dans la calomnie. Le ministère fut appelé ministère de l’étranger et ministère Dreyfus, ce qui voulait dire ministère de la trahison. Car l’erreur judiciaire de 1894 constituait le dogme fondamental des Noirs.

Dans la nouvelle Chambre, assez différente de la précédente, les nationalistes entraient un peu fatigués de leur effort, mais accrus en nombre, sans qu’on pût affirmer qu’ils avaient été élus uniquement par des adversaires de la République, puisqu’ils s’étaient proclamés républicains et qu’il fallait plutôt croire qu’ils avaient réuni sur leurs noms des ennemis avisés et des amis séduits de la démocratie. Ils pouvaient eux-mêmes, en un sens, se dire républicains, puisqu’ils étaient, ou consciemment ou à leur insu, les instruments du parti Noir qui voulait, non pas renverser la République, mais s’en emparer. Cependant les progressistes, qui avaient refusé de seconder le ministère Waldeck-Rousseau dans son œuvre de défense républicaine et dans sa lutte contre le cléricalisme, revenaient fort diminués, ayant perdu plus d’un quart de leurs électeurs, qui avaient passé, soit aux nationalistes, soit aux radicaux, plus sûrs ainsi de trouver ou des adversaires violents ou des défenseurs énergiques de la politique ministérielle. Cela était de grande conséquence. Et l’on pouvait prévoir que le parti, que pourtant décorent le grand talent de M. Ribot et le beau caractère de M. Renault-Mor-