Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protection des États… L’État concordataire, même persécuteur, donne bien plus à l’Église, par les garanties dont il la couvre, qu’il ne lui enlève par ses vexations. Retirer du même coup les garanties et les lois tracassières, voilà la sagesse. Le tort de toute grande Communauté religieuse, qui n’a pas une force extérieure pour maintenir son unité, est la division. La Communauté a des biens, une individualité civile. Tant que le pouvoir maintient le sens de la dénomination de cette Église, déclare, par exemple, qu’il ne reconnaît pour catholiques que ceux qui sont en communion avec le Pape et admettent telle ou telle croyance, le schisme est impossible ; mais le jour où l’État n’attache plus aucune valeur dogmatique aux dénominations des Églises, le jour où il partage les propriétés au prorata du nombre, quand les parties contendantes viennent se présenter devant ses tribunaux en déclarant ne pouvoir plus vivre ensemble, tout est changé immédiatement. »[1]

Et si les Églises rivales voulaient le prendre pour juge de leurs querelles, l’État, sourd à leurs cris, leur répondrait par la sage parole du proconsul d’Achaïe :

« S’il s’agissait de quelque injustice ou de quelque mauvaise action, je me croirais obligé de vous entendre avec patience. Mais s’il ne s’agit que de contestations de doctrines, de mots et de votre loi, démêlez vos différends comme vous l’entendrez, car je ne veux point m’en rendre juge. »[2]

  1. Ernest Renan. Mélanges religieux et historiques, 1904, p. 58.
  2. Actes, ch. XVIII, vers. 14 et 15.