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des pensions viagères aux prêtres vieux et infirmes. Et sans doute ces pensions ecclésiastiques peuvent être votées, mais non pas, certes, avant les retraites ouvrières.

Il n’est nullement dans mon dessein d’examiner de près l’économie de ces divers projets. C’est aux légistes expérimentés qu’il appartient de faire cette longue et difficile étude. Mais j’ai le devoir de donner ici un avertissement utile ; j’ai le devoir de dire qu’il faut se garder soigneusement de tout ce qui pourrait ressembler à une nouvelle constitution civile du clergé ; qu’il faut éviter, comme un danger redoutable, de reconstituer un État religieux dans l’État laïque[1], et que si l’on défait le Concordat ce n’est pas pour le refaire tout aussitôt sans le Pape.

Il y aurait encore bien des observations à présenter. Il est permis de se demander, par exemple, si l’État a le droit d’abandonner gratuitement quarante-cinq mille églises, avec leurs évêchés, petits séminaires et presbytères, dont la valeur locative passe cent millions ? Il est entendu que, en se séparant de l’Église, la République ne cherche pas à se faire de l’argent. Mais enfin, est-il à propos qu’elle dote richement des sociétés cultuelles aux dépens de la nation ? Ne somme s-nous pas assez instruits par l’exemple de la Belgique ? La Belgique est séparée de l’Église, qu’elle paye et qui la dévore. Voulez-vous vous séparer à la belge ?

  1. Voir à ce sujet les articles de Clémenceau dans l’Aurore et ceux de Ranc dans le Radical (octobre, novembre et décembre 1904).