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Rome veut maintenir le principe concordataire comme un reste de son vieux droit inquisitorial et parce que la séparation l’effraye. Léon XIII considérait la rupture comme un désastre[1]. Ici, quelques-uns de ses amis politiques eurent d’abord la finesse de cacher leurs craintes. Mais, le péril approchant, ils ne songèrent plus qu’à le conjurer. Le Clergé est unanime à demander le maintien d’une loi qu’il n’observe pas et les évêques français déplorent à l’envie une rupture qu’ils ont rendue inévitable. M. Fuzet pense que c’est la fin du culte et M. Dubillard croit que ce sera la perte de la foi pour les âmes tièdes. Il est vrai qu’il espère que les âmes ardentes en deviendront plus ardentes. Mais il y en a peu.

Quand on affirme que l’Église sera plus forte après la séparation qu’elle ne l’était avant, il faudrait montrer d’abord ce qu’elle gagnera à perdre un budget de cinquante millions. Ces cinquante millions les retrouvera-t-elle ? Elle recueillera plus encore dans les premiers temps. Mais ensuite ? Les paysans sont économes, les bourgeois sont déjà accablés de charges pieuses ; le denier de Saint-Pierre, les congrégations, l’enseignement ultramontain pèsent sur eux. Une association fondée dans le diocèse de Quimper fournit déjà cinquante mille francs aux ecclésiastiques privés de traitement. Et combien il sera pénible au clergé de quêter chez les hobereaux, chez les douairières ! Un prêtre de Laval, tout en gardant sa belle et vaillante humeur, en a d’avance le frisson :

  1. G. Noblemaire, loc. cit., page 184.