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voue à la mort éternelle ceux qui professent les deux autres. Vous savez, Monsieur le Ministre, ce que l’Église catholique pense des juifs. Vous avez vu bien des fois sur le portail de nos cathédrales, aux côtés d’un Christ en croix, deux femmes portant les insignes de la royauté. L’une se tient debout, pleine de majesté : c’est l’Église. L’autre chancelle. Elle a sur les yeux un bandeau, sa couronne tombe de sa tête, son sceptre lui échappe des mains. C’est la Synagogue. Et vous subventionnez l’une et l’autre. Vous savez ce que l’Église catholique pense des réformés. Vous avez sans doute remarqué sur une des belles stalles de la cathédrale d’Auch un cochon prêchant en chaire, avec ce nom profondément gravé dans le bois : Calvin. Et vous subventionnez l’Église catholique et l’Église réformée ! N’exagérez-vous pas ainsi l’absurdité nécessaire au gouvernement des hommes ? et ne vous mettez-vous pas en contradiction avec le droit public des Français ?

L’État donne cinquante millions par an à l’Église catholique ; il lui livre les évêchés et les églises avec leurs cloches, leurs ornements et leurs trésors, avec les chaires du haut desquelles les prêtres enseignent leurs vérités. Il n’est pas juste que tous les citoyens concourent à l’entretien d’un culte qu’ils ne pratiquent pas tous. M. Émile Ollivier répond à cela que dans toute société il y a des services qui ne profitent pas à chacun de ses membres[1]. Mais il

  1. Émile Ollivier. Nouveau droit ecclésiastique français, 1885, pp. 581-582.