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CHAPITRE VIII


L’État doit-il se séparer de l’Église ?

C’est l’opinion générale que les pays libres doivent se séparer de l’Église. M. Ribot a écrit à un catholique : « La séparation de l’Église et de l’État s’imposera tôt ou tard parce qu’elle est dans le courant des idées modernes. » Anatole Leroy-Beaulieu a dit : « La séparation est l’aboutissement inévitable de la sécularisation des États contemporains ». Je pourrais apporter d’autres témoignages, mais non pas de plus graves.

Et pourquoi la séparation de l’Église et de l’État s’imposera-t-elle tôt ou tard ? Pourquoi les États sécularisés sont-ils fatalement amenés à la rupture ? C’est que le progrès de la civilisation dans les États détermine une distinction de plus en plus nette entre l’ordre civil et l’ordre religieux. Dans les sociétés primitives, le prêtre est roi. Les peuples, à mesure qu’ils se développent, rompent les bandelettes de la théocratie qui les enserraient dans leur enfance.

Voilà les raisons générales. Elles ne seront très apparentes qu’aux esprits spéculatifs. Il y en a de particulières qu’on trouvera plus sensibles. Il faut les chercher dans l’esprit même et dans la constitution du catholicisme moderne. Elles ont déjà été mises en