Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bonaparte n’avait pas besoin, il faut le reconnaître, de textes approuvés par le Pape pour contenir le clergé dans l’obéissance. Il pouvait, à son gré, emprisonner, déporter les prêtres, enlever le Pape, prendre Rome. Mais il ne songea pas assez que ce ne serait point toujours l’usage, et il prépara de grandes difficultés à ses successeurs.

L’article 70 de ces étranges Organiques dit que « tout ecclésiastique, pensionnaire de l’État, sera privé de sa pension s’il refuse, sans cause légitime, les fonctions qui pourront lui être confiées. » L’article 6 des Organiques dit qu’ « il y aura recours au Conseil d’État dans tous les cas d’abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques. »

En cet endroit, le Concordat (pour lui laisser son nom dérisoire) s’inspire non plus des mœurs de la Révolution, mais des institutions de l’ancien régime : il prétend investir le Conseil d’État du droit des parlements, dont la compétence s’étendait sur les matières ecclésiastiques. Bonaparte pensait-il qu’un évêque put jamais reconnaître au Conseil d’État une autorité disciplinaire et s’incliner devant le blâme d’une compagnie de laïques ? Et, quant à la suppression des traitements, ne prévoyait-il pas que la libéralité des fidèles y pourvoirait au décuple ?

Le Concordat ne saurait en aucune manière engager le Pape. Tout au moins, ce serait une loi française. Il aurait un sens, un effet, si nous avions une Église gallicane, un Conseil d’État gallican, un gouvernement gallican. Mais nous n’avons rien de cela, et