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interrogatoire embarrassant rompit d’un mot la pensée du sans-culottes.

— Mon ami, dit-elle à Marcel, tu connais aussi bien que moi la maison ; prends les clés et conduis partout ces messieurs. Je sais que ce sera un plaisir pour toi que de guider des patriotes.

Marcel quitta la chambre suivi de Colin et des gardes. Deux d’entre eux cependant restèrent dans la chambre.

— Il faut encore fouiller le lit, dit l’un.

— Oui, dit l’autre.

Ils prirent, chacun, à une applique une bougie qu’ils allumèrent, se mirent à plat ventre au pied et à la tête du lit et restèrent fort longtemps en observation. Un de leurs camarades en bonnet rouge, qui venait les chercher, resta au contraire avec eux, se plaignant très haut de la chaleur et de la fatigue. — Il comptait bien, disait-il, boire un coup quand ce gredin de Franchot serait pris.

Fanny leur demanda s’ils voulaient boire tout de suite. Elle sonna sa cuisinière et lui recommanda d’apporter des bouteilles et des verres. Le citoyen en bonnet rouge ne refusa pas ; mais il savait à quoi la politesse l’obligeait. Il invita la citoyenne à trinquer avec lui. Elle but à la santé des braves sans-culottes. Les bouteilles se vidèrent. Le citoyen attendri dit à la jeune femme :

— Citoyenne, tu as observé les convenances. Il s’en faut qu’il y ait seulement la moitié des citoyens pour les observer aussi bien que toi. C’est dommage qu’il faille couper un si joli cou !

Mais la voix irritée de Colin interrom-