vous ai donné mon cœur ; n’abusez point de ma
tendresse ; n’employez pas votre ascendant sur
mes sentiments pour m’entraîner à une démarche
dont j’aurais à rougir. Je suis jeune et
sans appui ; mon frère, qui est mon seul ami, est
séparé de moi, et mes autres parents me traitent
en ennemis. Que ma situation vous inspire de la
pitié ; ne cherchez pas à me séduire ; au lieu
de me pousser à une action qui me couvrirait de
honte, tâchez plutôt de vous concilier l’affection
de ceux dont je dépens. Le baron vous estime ;
ma tante, impérieuse et hautaine envers tout autre,
n’oublie point qu’elle vous doit la vie, et pour
vous seul elle est affable et bonne. Essayez donc
votre pouvoir sur leur esprit ; s’ils consentent à
notre union, ma main est à vous. Ami de mon
frère, vous obtiendrez, je n’en doute point, son
approbation ; et quand mes parents verront l’impossibilité
d’exécuter leur projet, j’ose espérer
qu’ils excuseront ma désobéissance, et qu’ils sauront,
par quelqu’autre sacrifice, dégager ma mère
du vœu fatal dont on attend l’accomplissement.
Autorisé par l’aveu d’Agnès et par cette déclaration naïve de ses pensées et de ses vues, je redoublais d’attention envers ses parents et crus de-