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Mes passions étaient ardentes, mais mon âme n’était pas cruelle ; les principes d’une bonne éducation n’en étaient pas effacés. Jugez quel a dû être chaque jour mon supplice à la vue des crimes les plus horribles et les plus révoltants. Jugez combien je devais gémir d’être unie à un homme qui recevait le voyageur confiant avec l’air de la franchise et de l’amitié au moment même qu’il méditait sa perte ! Le chagrin altéra ma constitution ; le peu de charmes que m’avait donnés la nature se flétrit entièrement, et l’abattement de ma figure attestait les souffrances de mon cœur. Cent fois je fus tentée de mettre fin à mon existence, mais le souvenir de mes enfants retenait mon bras. Je tremblais de laisser mes enfants au pouvoir du tyran, et je tremblais encore plus pour leur éducation que pour leur vie. Le cadet était trop jeune pour profiter de mes leçons ; mais dans la cœur de l’aîné je travaillais sans relâche à enraciner les principes de la vertu capables de lui faire éviter les crimes de ses parents, il m’écoutait avec tranquillité et même avec avidité. Dans un âge si tendre, il laissait déjà voir qu’il n’était pas fait pour vivre avec des brigands ; et ma seule consolation au milieu de tant de peines était de