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L’ATELIER D’INGRES.

coup qu’elle n’a affaire qu’à un peintre, pas le moins du monde à un homme ; et je pourrais ajouter comme preuve la difficulté qu’on avait à les décider à poser devant ce qu’elles nommaient un bourgeois, si même on y parvenait.

Plus la beauté est grande, plus l’admiration du peintre éteint en lui ce qui n’est pas tout à fait pur et élevé. Je crois cependant qu’on trouverait des exceptions chez les artistes, mais jamais chez les meilleurs.

Une charmante fille qui posait pour M. Ingres, me disait un jour : « Si vous saviez tous les cris d’admiration qu’il pousse quand je travaille chez lui !… j’en deviens toute honteuse… Et quand je m’en vais, il me reconduit jusqu’à la porte, et me dit : « Adieu, ma belle enfant ; » et me baise la main… »

N’est-ce pas le culte épuré du beau ?

Il y avait, à l’époque reculée dont je parle, un modèle très-célèbre et tout à fait joli, dans la nature de la Vénus de Médicis. Je ne sais pas un élève qui ne fût épris d’elle. Des amateurs, les riches ceux-là, lui faisaient des offres qui dépassaient de beaucoup son gain ordinaire ; pas un ne put franchir le seuil de sa petite chambre de la cour du Commerce. Un jeune étudiant en médecine avait seul ce droit. — Elle pouvait gagner huit francs par jour, et il devait