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L’ATELIER DES ÉLÈVES.

en écoutant ces mélodies si charmantes et si sensuelles. Mais, quand Duprez commença à chanter, je vis M. Ingres se démener dans sa stalle, passer la main sur sa figure, détourner la tête. Je crus que la voix de Duprez lui déplaisait, ou l’air même ; aussi je lui demandai, assez timidement, s’il n’aimait pas le talent de Duprez. « Au contraire, me répondit-il ; une émission de voix admirable ! un style superbe ! mais… regardez… voyez… cet écartement des yeux ! »

Je fis tous mes efforts pour garder mon sérieux.

Puisque je viens de parler, au commencement de ce chapitre, d’une scène de l’atelier, c’est peut-être le moment de raconter la vie que nous y menions.

Quoiqu’il régnât, comme je l’ai dit, dans l’atelier de M. Ingres, un ton généralement meilleur que dans les autres ; quoiqu’on ne fit pas aux nouveaux arrivés ces charges de mauvais goût, et quelquefois même assez graves, qui étaient de fondation partout ailleurs, notre atelier était cependant fort gai, et les plaisanteries très-amusantes. On ne sait pas ce qui se perd dans une matinée de mots spirituels qui naissent d’une circonstance futile et qui, recueillis, feraient la joie des lecteurs des petits journaux. Malheureusement les attaques et les