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PREMIERS ESSAIS DE PEINTURE.

qu’il fît beaucoup mieux, mais parce qu’il voulait peindre, et, quand il fut à la peinture, il voulut faire un tableau. Rien ne l’arrêtait.

Il me disait un jour : « Vous ! vous n’arriverez jamais. Voyez-vous, quand on veut arriver, on prend un gourdin, et on marche en avant, toujours, en abattant de droite et de gauche tous ceux qui se trouvent sur votre route. »

Cet homme grand, déjà énorme, à chevelure noire abondante et retombant sur un front bas, avait quelque chose d’effrayant à voir quand il marchait, indiquant du geste ce qu’il venait d’exprimer.

Il fit bien comme il avait dit alors ; mais, quand il fut maître du terrain, et qu’il fallut construire, peut-être s’aperçut-il que le talent, cette autre force aussi, lui faisait parfois défaut.

Je me souviens qu’à l’époque où il était encore à l’atelier, et quelques mois seulement après qu’il eut pris la palette, il me pria d’aller chez lui, où je fus bien étonné de voir un tableau assez important qu’il était en train de faire.

Le souvenir m’en est resté tout à fait charmant : le sujet était très-poétique, et surtout le geste d’un des personnages très-naïf et très-original. C’était la rencontre d’Apelles et de Laïs, dont ce célèbre peintre fut, d’après la tradition, le premier amant.