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MADAME INGRES.

sait de banalités par la tête ; je parlai probablement des difficultés qu’on éprouve pour réussir dans la carrière des arts, car madame Ingres quitta son ouvrage, et prenant la parole :

« Personne autant qu’Ingres n’a le droit de se plaindre. On ne sait pas… on aurait peine à croire la vie de privations, de misère qu’il a menée. »

Cette espèce d’apologie qui s’annonçait ainsi déplut à M. Ingres ; il fit signe à sa femme de ne pas continuer sur ce sujet.

« Ne parlons pas de tout cela, ajouta-t-il, c’est si loin !

— Comment ne pas en parler ? laisse-moi donc tranquille… Quand cela ne serait qu’une leçon pour Amaury… Eh bien ! oui, mon cher ami, nous avons connu la misère, et la plus complète… Croiriez-vous qu’à Florence, nous n’avions souvent pas de pain à la maison, et plus de crédit chez le boulanger ?… »

M. Ingresse tournait sur sa chaise ; madame Ingres continuait toujours :

« À l’époque où il faisait son Vœu de Louis XIII, n’ayant pas le moyen d’acheter ou de louer une échelle pour travailler au haut de son tableau, il avait été obligé d’ajuster lui-même une chaise sur quelques planches, et cela était si peu solide que, lorsqu’il lui venait une visite, j’étais obligée