Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
L’ATELIER D’INGRES.

Je pourrais appuyer mon jugement sur l’opinion de Ricard, grand appréciateur de la couleur et coloriste lui-même à un haut degré, qui me disait un jour devant cette toile, avec sa vivacité méridionale : « Et l’on prétend que cet homme n’est pas coloriste ! Eh bien ! savez-vous une chose ? c’est que je ne connais rien chez les Vénitiens, et je les connais, à mettre au-dessus de cela. »

Mais je ne veux pas accorder plus d’importance qu’il ne faut à ces rencontres heureuses, qui prouvent seulement que deux qualités souvent séparées peuvent aussi se trouver réunies chez les grands artistes.

C’est dans l’ensemble de son œuvre, si complétement original, que la supériorité de M. Ingres apparaît vraiment ; c’est dans cette persévérance, à atteindre un but qu’il avait devant les yeux, et dont rien n’a pu le détourner un instant.

Jamais un moment de faiblesse ou d’hésitation. — Il allait devant lui, luttant contre mille obstacles, avec ce respect, ce culte de l’art, qui le maintenait dans une honnêteté d’artiste dont il est peu d’exemples.

Dès ses débuts, pas une œuvre n’est sortie de chez lui sans qu’il crût pouvoir la signer ; il n’y mettait son nom que lorsqu’il croyait avoir fait bien ; dans le doute, il recommençait. Parmi ses