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L’ATELIER D’INGRES.

de compas. Nous n’aurions plus cette variété si grande dans la manière de dessiner de Michel-Ange, de Raphaël, de Léonard de Vinci, ni la couleur de Paul Véronèse si différente de celle du Titien et de celle de Rubens.

Heureusement, ces grands artistes se sont peu souciés de l’exactitude. Ils ont traité la nature haut la main ; les fautes de dessin, les plus grossières inexactitudes, les exagérations et les additions de muscles abondent dans Michel-Ange… Je rougis de traiter de fautes ces incorrections sublimes d’un des plus grands génies de l’art.

M. Ingres, comme ces admirables artistes, a mis de côté la science académique apprise à l’école ; il s’est fait un dessin à lui, d’une correction douteuse, bizarre, si l’on veut, mais bien à lui, qui rend son impression et nous force à la partager.

Qu’un artiste soit porté par son goût vers la forme ou vers la couleur, l’important est qu’il voie la nature sous un aspect nouveau, et qu’il parvienne à imposer sa manière de voir ; il n’est un maître qu’avec cette faculté. Tous les artistes illustres l’ont possédée, mais ils n’ont pas été plus matériellement vrais, plus exacts, les uns que les autres.

Si le public, sans s’y connaître, accorde à M. Ingres la qualité de dessinateur, il lui refuse