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L’ATELIER D’INGRES.

viter M. Ingres. Il entra un matin au café Doney, pendant notre déjeuner, s’approcha de nous, mais ne fut pas long à remarquer la façon cérémonieuse avec laquelle nous l’accueillions ; il se douta qu’il y avait quelque chose de peu naturel dans cette réception, parut lui-même embarrassé, et, après quelques mots sur la pluie et le beau temps, nous salua et sortit du café.

Il alla probablement s’enquérir auprès de Franck du motif de cette réception, car, quelques heures plus tard, se présentant chez Sturler, qui n’avait pas voulu rentrer chez lui de la journée, et où il supposait qu’il me trouverait, il laissa au domestique deux mots : « Je prie Amaury de passer tout de suite chez moi. »

Il n’y avait pas à reculer. Je pris donc le chemin de la place de la Trinité, où M. Ingres avait son pied-à-terre.

J’entre. — À peine m’aperçoit-il, qu’il s’élance vers moi, me prend dans ses bras, et me dit les yeux pleins de larmes :

« Mon cher ami, comment avez-vous pu croire que je pouvais vous faire une offense (je vis à l’instant que Franck avait avoué les ragots qu’il nous avait faits) ?… Comment avez-vous pu vous blesser de quelques mots, échappés peut-être dans un moment de mauvaise humeur, surtout mal interprétés et sottement répétés ? Mais ne