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LA VIE À FLORENCE.

J’avais obtenu la permission de faire la copie des peintures d’une des cellules, et je travaillais là depuis quelque temps, rencontrant dans les couloirs le fou, qui me paraissait très-inoffensif, et plutôt idiot qu’autre chose, et recevant quelquefois la visite du peintre, fra Seraphino. C’était un jeune homme aimable et d’humeur gaie. Un jour que le marquis B. était venu voir ma copie, le frère Seraphino, qui se trouvait là, nous invita tous deux à visiter son atelier. C’était une assez petite salle à coupole, qu’avait occupée fra Bartholomeo.

J’eus beaucoup de peine, en entrant, à retenir une forte envie de rire : j’avais aperçu sur un chevalet le portrait d’une dame décolletée, le cou entouré d’un boa, à la mode de cette époque.

Le marquis, heureusement, sans se déconcerter le moins du monde, commença à débiter une foule de plaisanteries qui furent fort bien prises. J’avais eu le temps de me remettre, et je pus adresser au frère ces compliments banals que nous nous faisons entre confrères. Au moment de prendre congé de lui, il eut un mot d’une modestie fort plaisante. « Eh bien ! lui dit le marquis en lui faisant ses adieux, c’est parfait ; continuez, et faites en sorte d’être un aussi grand peintre que votre prédécesseur Beato, et d’être