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PREMIÈRE VISITE AU MAITRE.

et l’on me fit entrer dans une petite pièce au rez-de-chaussée, que je reconnus pour une salle à manger au poêle qui se trouvait dans un enfoncement. Ce poêle, surmonté d’une colonne peinte en vert, était le seul indice qui pût faire supposer la destination de cette pièce, car elle était entièrement tapissée de toiles sans châssis, attachées par des clous à la muraille. Au milieu, sur un chevalet, le dessin du Vœu de Louis XIII par Calamata.

Je restai quelques instants seul, à considérer curieusement toutes les peintures qui m’entouraient. Je me souviens, entre autres, de l’Œdipe et de quelques têtes d’étude pour le Saint Pierre.

Tout cela me paraissait bien étrange. Élevé par une mère qui avait fait de la peinture sous la direction de Girodet, l’école de David, je l’ai déjà dit, était pour moi le dernier mot du grand art : j’avais le Luxembourg pour galeries habituelles pendant mes jours de sortie ; et voilà que tout à coup je me trouvais en présence de peintures réalistes, devant des torses, des pieds, des mains qui n’avaient pas cette grâce apprêtée, à laquelle mes yeux étaient faits, de l’Apollon, de Romulus, de l’Endymion.

Je ne comprenais pas, mais j’avais assez de bon sens pour m’incliner en attendant que la