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LA VIE À FLORENCE.

Il arriva au grand-duc, pendant mon séjour, une aventure assez plaisante. Un Anglais nouvellement arrivé rencontre aux Cascines un monsieur qui se promène suivi de deux beaux chiens de Terre-Neuve. L’Anglais prend un bâton, le jette dans l’Arno, qui ce jour-là avait de l’eau, et excite les chiens à l’aller chercher. Le monsieur s’approche et prie l’Anglais de ne pas faire aller ses chiens à la rivière.

« Mais ce sont des chiens de Terre-Neuve ! c’est pour aller à l’eau.

— C’est possible, mais je désire qu’ils n’y aillent pas aujourd’hui. »

Cela dit avec la plus grande douceur et une exquise politesse. L’Anglais murmure : « Bizarre… chiens de Terre-Neuve. »

Le monsieur s’incline, appelle ses chiens et s’éloigne.

« Quel est donc cet original qui ne veut pas que des chiens de Terre-Neuve aillent à l’eau ? » dit l’Anglais à un garde des Cascines qu’il rencontre quelques pas plus loin.

« È il gran duca, signore. »

On dit que l’Anglais, qui devait être présenté à la cour le lendemain, fit ses malles le jour même.

Ce prince n’était pas seulement affable et bon ; il s’occupa avec intérêt de son beau pays, et fit faire des travaux importants pour assainir la