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DÉPART POUR L’ITALIE.

têtes presque tous les mois, sous la forme d’un billet de garde.

Comme s’il l’eût fait avec intention, c’était précisément le jour d’un bal, d’un dîner d’amis, d’une promenade à la campagne, qu’un fatal tambour déposait chez le portier cet ordre absolu. On cherchait bien des prétextes, on en trouvait ; mais c’était reculer pour mieux sauter.

Et que dire du costume ? Le grotesque ne pouvait pas être poussé plus loin. J’avais un ami qui disait sérieusement : « On fera ce qu’on voudra… on ne peut pas me guillotiner… Rien ne me fera sortir dans la rue déguisé ainsi. »

J’avais un bonnet à poil (la génération actuelle ne sait pas ce que c’est) d’une telle hauteur et d’un tel poids qu’il me fallait le tenir en équilibre sur ma tête comme font ces jongleurs qui suivent les mouvements d’un bâton placé sur leur nez, et souvent, à me voir traverser précipitamment la rue, on aurait pu supposer qu’un ami m’appelait de l’autre côté… Pas du tout, je suivais mon bonnet à poil.

Je ne parle pas des émeutes, des tentatives presque journalières de régicide ; on commençait à s’y faire.

Voilà quelle était la réalité.

Le rêve, c’était Florence, Rome, Naples, un ciel bleu, un soleil toujours brillant, le Vatican avec