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L’ATELIER D’INGRES.

sont bons qu’à faire naître ou à augmenter les sentiments mauvais que nous avons dans le cœur ? Quel est l’élève qui, au fond de l’âme, ne souhaite à son concurrent les chances les plus contraires, et ne se réjouit bien vivement de son insuccès ? Comme si on devait faire de l’art par rivalité, et non avec la seule pensée de faire bien !

On arrive, en favorisant ces mesquineries et ces petites jalousies d’enfant, à faire des artistes qui, plus tard, se cacheront pour travailler, auront peur de voir leurs procédés découverts, et ne diraient pour rien au monde à un confrère : « Je fais ainsi ; essayez, le moyen me paraît plus simple, » se gardant bien d’améliorer, par un conseil vrai et sincère, l’œuvre de leur camarade, souvent de leur ami.

J’ai toujours pensé, et je persiste à croire que rien n’est plus contraire aux sentiments élevés, nobles, rien de plus propre même à les éteindre dans le cœur des jeunes gens, que cette éducation qui n’a pour stimulant que la perspective d’une récompense, et ne nous montre jamais dans le lointain le seul but vraiment enviable faire bien et honnêtement.

Quand j’ai dit qu’on pouvait reprocher à M. Ingres un manque d’ampleur dans les idées, c’est plutôt un regret que j’aurais dû exprimer ;