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tartavelle, espèce de cresselle ou de castagnettes ; dont le cliquetis aigu avertissait le voyageur, qui s’empressait de fuir. Ce cas avait été prévu par les statuts de 1346 ; ils disposaient que « se aucune personne de la confrarie devenoit malade de la leppre, il estoit convoie jusques à la banlieue de Rouen, se, il le requéroit. » Ces convois de lépreux étaient précédés d’un cérémonial religieux des plus lugubres. « Se aucun frère devient mézeau ou ladre, on lui doit faire semblablement comme s’il estoit trespassé », disaient les statuts de la confrérie de la charité de Saint-Jean d’Elbeuf, approuvés en 1509 ; et une histoire manuscrite de la même ville nous donne, à cet égard, les détails qui suivent : « Dès qu’on s’apercevoit dans une famille qu’un individu étoit attaqué de la lèpre, on le dénonçoit au juge, qui, d’après le rapport des médecins, constattoit juridiquement son état, et le déclaroit mort civilement. On alloit avertir le curé, qui fixoit le jour et l’heure du service pour ce mort vivant. On faisoit une chapelle ardente à sa porte, dans laquelle le lépreux se tenoit debout, et enveloppé d’un drap. A l’heure marquée, le clergé venoit en procession ; et, après les prières d’usage, la procession retournoit à l’église ; le lépreux marchoit ensuite, et étoit suivi de ses parens et amis. Arrivé à l’église, il entroit dans une chapelle ardente qui y étoit préparée. Le clergé chantoit l’office des morts ; on célébroit la messe, que le lépreux devoit entendre dévotement, agenouillé sous un drap noir placé sur deux trétaux. L’officiant venait faire les encensemens autour du malheureux, et dire les prières accoutumées. Le lépreux étoit ensuite conduit à la porte de l’église, où le curé lui faisoit une exhortation, l’engageoit à la résignation, et lui ordonnoit de prendre toujours le dessous du vent, lorsqu’il parleroit à quelqu’un. Cela fait, il étoit conduit à la léproserie de Sainte-Marguerite, ou séquestré dans sa maison, s’il étoit d’une paroisse qui n’eût pas droit à la léproserie[1]. Des usages analogues existaient dans les diocèses

  1. Histoire manuscrite de la ville d’Elbeuf, composée en 1782.