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monumens ont été imaginés pour conserver la mémoire des faits, là on imagina une histoire fausse, d’après des monumens destinés à représenter allégoriquement un fait vrai. Le peuple se complut dans ces idées fabuleuses ; la croyance de ce miracle alla s’accréditant de plus en plus : voyant, chaque année, un criminel arraché à l’échafaud, en l’honneur de saint Romain, marcher libre, couronné de fleurs, et se mêler impuni et inviolable à ses concitoyens, c’était un besoin pour lui de rattacher un si merveilleux spectacle à une origine plus merveilleuse encore. La multitude a faim et soif de merveilles, et alors on ne l’en laissait pas manquer. Les légendaires du chapitre, s’ils n’inventèrent point le miracle de la gargouille, le recueillirent du moins soigneusement, et propagèrent, non sans l’embellir, une histoire qui consacrait le privilège en lui donnant une source divine. De là toutes ces versions différentes et inconciliables qui seules suffiraient pour prouver la fausseté du récit. On n’y croyait pas moins fermement ; et, encore dans le xviiie siècle, « ce prétendu prodige était si profondément gravé dans l’esprit du petit peuple, qu’il aurait fallu un autre saint Romain pour en effacer les traces[1]. »

Mais, lorsque vint le moment de la saine et

  1. Suite de l’histoire de J.-A. De Thou, livre 1er., an 1607.