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crimes si énormes. C’est pourquoy le privilége ne porte exception quelconque ; et est l’esglise de Rouen en possession de délivrer ceux qui ont commis des assassinats et meurtres de guet-à-pens. Il est notoire qu’entre les prisonniers l’on choisit tousiours ceux qui sont accusez des crimes les plus qualifiéz[1]. » Ainsi parlait le chapitre ; il regardait cette réponse comme très-péremptoire ; et ces propres paroles que l’on vient d’entendre, il les faisait proférer, en son nom, par son avocat, à l’audience du grand conseil. Etienne Pasquier, qui les entendit, ces étranges paroles, y fut trompé ; il crut que les chanoines de Rouen, « tout mûrement calculè et considéré, devoient choisir le prisonnier qu’ils trouvoient chargé du crime le plus détestable, et qu’ilz estoient tenus de le faire ainsi, s’ilz ne voulaient contrevenir à leur privilége, ce qui leur eust esté un grand forfaict, voire une forme d’assassinat contre leur ancien institut[2]. » Cette règle qu’imaginait Pasquier, elle n’existait pas ; mais, pour peu que le chapitre eût été abandonné vingt ou trente ans encore à son libre arbitre, elle ne pouvait manquer de s’établir. De si monstrueux abus, confessés et préconisés avec tant de naïveté et de candeur, ne pouvaient être tolérés plus long-tems dans une nation où, après de longues et terribles

  1. Plaidoyer pour le privilège de la fierte, par Me. Monstreuil.
  2. Estienne Pasquier, Recherches de la France, livre IX, chap. 42.