Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 1, Le Grand, 1833.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les magistrats devaient faire justice d’un crime commis avec des circonstances si atroces ; et l’on ne peut expliquer que par le désordre affreux qui régnait alors en France la scandaleuse impunité dont l’abbé d’Orbais continua de jouir long-tems encore. Cependant le fils de sa victime grandissait. « Il se trouvoit ordinairement en bonnes compaignyes et avec grandz seigneurs ; on luy mectoit devant les yeulx la mort de son père ; on luy disoit que l’abbé d’Orbaiz s’estoit vanté de faire mourir le filz comme le père ; et, de faict, le jeune Du Breuil le veoioit souvent passer et rappasser en armes prèz de sa maison. » Plus le jeune homme avançait en âge, plus les instances des gentilshommes pour l’exciter à venger son père, devenaient pressantes. Enfin, à vingt-trois ans, « ne s’osant plus trouver en bonnes compaignyes, pour la vergongne qu’on lui faisoyt, Gommer du Breuil se résolut d’avoir la raison de ce crime, soit par justice, ou autrement. » Dès-lors, il ne marcha plus qu’armé, et accompagné de bon nombre de ses parens et amis, épiant et faisant épier l’abbé d’Orbais. Il sut que ce dernier, averti de ses desseins et de ceux de son frère, avait dit que « ce n’estoit que des enfantz et qu’il leur bailleroit le fouet. » Ces menaces méprisantes, si cruelles pour l’amour-propre d’un adolescent, excitèrent en eux la soif de la vengeance. Un jour, accompagnés de seize à dix-huit cavaliers, ayant