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à leur aspect ; plus de sympathies, plus de confiance, plus de pitié même ; la patience humaine était à bout ; car, n’était-ce pas (disait-on) avoir trop différé l’expiation d’un si grand crime ? Maintenant, il fallait sévir ; le monde attendait, le Conseil supérieur avait hâte ; et malheur à qui serait accusé seulement ! Le soupçon ne faisait que de poindre, et déjà le bourreau faisait ses apprêts.

Cependant, en un si désespérant abandon du monde, dans ce décri universel, du fond de cet abîme de douleur et de détresse, les quatre malheureux éplorés s’étaient tout-à-coup souvenus de Dieu ; et, en ce jour qui leur était laissé encore ; en ce jour, le dernier de leur liberté, de leur vie peut-être, sans plus s’épuiser, maintenant, en protestations que le monde n’écoutait pas, invoquant le seul témoin dont les souvenirs soient certains, le seul juge à qui il soit donné de ne se tromper jamais : « Éclaircissez, ô mon Dieu ! (criaient-ils) éclaircissez cet horrible mystère ; révélez les secrets de cette chambre mortuaire et de cette nuit funeste. Mon Dieu, vous étiez là ; dites donc, par grâce, oh ! dites si vous nous y avez vu ! » C’était le huit décembre, jour consacré spécialement à Marie ; solennité chère depuis des siècles à notre Normandie, au point qu’on l’appelait la Fête aux Normands et que, dans les Palinods, à Rouen, à Caen, à Dieppe, toujours avaient