Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chaque jour, au reste, leur étaient prodigués, en toutes rencontres, de touchants témoignages de sympathie. Le Parlement, la Chambre des comptes, le Barreau, le Chapitre, les Notabilités du négoce s’étaient, tout d’abord, déclarés en leur faveur, et n’avaient cessé de faire hautement des vœux pour l’heureuse issue de l’interminable procès.

Faut-il l’avouer, néanmoins, et le voudra-t-on croire ? hélas ! ce n’était point là, dans Rouen, le sentiment de tous. Il m’en coûte assurément de le dire ; peut-être ferais-je mieux de me taire ; mais est-il permis, après tout, de rien dissimuler dans une histoire ! Disons donc, puisque la vérité nous y contraint, disons qu’il y avait alors dans notre cité quelques bonnes âmes peu favorables aux Sciences, aux Arts, à la Littérature, si même elles ne leur avaient pas voué une implacable haine. Or, le péril imminent que couraient, dans la conjoncture, ces choses, objet de leur aversion profonde, était pour elles, sachez-le, une consolation sensible, j’ai presque dit une ineffable douceur. Et, de vrai, rarement verrez-vous un ignorant prendre en gré celui qui s’évertue avec ardeur pour cesser de l’être. Le paresseux hait le travail (c’est chose qui va toute seule) ; mais, avec le travail, il hait parfois aussi le travailleur, et s’appliquera alors à le poursuivre, à le traverser de tout son pouvoir.