Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un coin de la voiture publique, comme pour éviter les regards du premier président, dont il paraissait être connu. De très arrogant, notre petit-maître était devenu bien humble, je vous jure ; et, vous pouvez m’en croire, il n’avait plus les jambes sur la banquette de vis-à-vis. La brillante voiture partit comme un trait, précédée de deux valets à cheval. Pour le carrosse public, il reprit tranquillement son allure somnolente ; et, quoique allégé des deux tiers de sa charge, il est à peu près avéré que ce jour-là il n’arriva point de bonne heure.

Ne demandez pas si nos deux humbles voyageurs avaient le cœur comblé ; de douces larmes roulaient dans les yeux de la sœur de Jouvenet ; compagne dévouée de son frère, combien elle jouissait de ses succès ! Souvent il l’avait consultée sur ses tableaux, et toujours les jugements du public étaient venus confirmer les timides avis de la modeste femme. Mais qui pourrait dire ce qui se passait dans le cœur de l’illustre peintre ? Lorsque, après une longue absence, nous apercevons notre ville natale, nous revoyons ces vieilles tours qui s’élancent vers les cieux, ces riants coteaux qui la bornent de toutes parts, notre âme s’émeut, nos yeux se mouillent ; mais qu’est-ce, lorsque l’on revient grand homme, lorsque l’on revient triomphant, dans cette ville qui naguère vous vit naître avec tant d’in-