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à la Conciergerie correspondre à loisir avec ses bons amis de Tunis et d’Alger, il se trouva que le vieux loup de mer était sorti à bas bruit sans demander son congé. Pour notre jeune Duquesne, il était toujours là, lui, attendant son arrêt, aussi ferme et résolu, sur ce parquet de la grand’chambre dorée, qu’il aura pu l’être en mer sur son Petit-Saint-André. Il venait d’enlever sa cause d’assaut, comme naguère il avait pris le navire hollandais à l’abordage. « Abraham Duquesne (lui dit le premier président De Faucon, en le regardant avec l’expression d’une bonté infinie), vous avez là un commencement aussi beau que je vis jamais à jeune homme ; continuez et vous serez quelque jour un grand personnage ; mais, croyez-m’en, quand vous retournerez en mer, regardez plus attentivement les pavillons ; car, une autre fois, vous pourriez ne pas si bien rencontrer. » Puis le Parlement leva l’audience. Vous eussiez entendu alors les cris joyeux, les bruyants hourras de l’équipage du Petit-Saint-André retentir dans le Palais ; vous eussiez vu les braves gens, fous de joie, emmener en triomphe ce nouveau capitaine dont ils étaient si fiers ; dont, eux aussi, qui l’avaient vu au feu, ils prédisaient énergiquement les brillantes destinées. Ce fut grande fête pour eux tout le reste du jour, et les tavernes de Rouen auraient bien su qu’en dire.