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d’un grand savoir, d’une vertu plus grande encore, l’un de ces doctes magistrats du seizième siècle, où l’ordre judiciaire brilla d’un si vif éclat. Sa longue journée de labeur avait commencé au palais, dès cinq heures du matin. Là il avait, par de lumineux réquisitoires, suggéré au Parlement des arrêts destinés à devenir lois dans la province ; et, maintenant, l’infatigable vieillard se livrait à d’autres travaux qui lui semblaient des loisirs ; il jetait les fondements d’une riche collection de livres et de manuscrits, qui plus tard devait être célèbre, dont on parle encore aujourd’hui qu’elle est dispersée, et dont le souvenir demeurera tant que, dans notre France, les lettres seront en honneur. Appliqué, en ce moment, à examiner un manuscrit fort ancien, que venait de lui envoyer son ami Turnèbe, il fut interrompu subitement par le bruit que faisaient deux jeunes gens qui, assis non loin de lui, lisaient Horace, et se récriaient, enchantés qu’ils étaient des vers du grand poète. Ces deux jeunes gens étaient Émeric Bigot, son fils, et Étienne Pasquier, condisciple d’Émeric. Élèves d’Hotoman, de Cujas et de Balduin, les deux amis étaient venus à Rouen passer ensemble leurs vacances. Cette ode qui les électrisait ainsi, Laurent Bigot voulut la voir, et bientôt l’enthousiasme du vieillard le disputa à celui des adolescents. Et qui pourrait ne pas tressaillir à