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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

au nord de l’équateur, poussent les corps flottants d’Amérique en Asie, contrairement à la direction des principaux courants[1]. On sait d’ailleurs, par l’arrivée imprévue sur différentes côtes des bouteilles contenant des avis, que le hasard joue un grand rôle dans ces transports.

Les arguments en faveur de l’origine asiatique, ou contre l’origine américaine, sont les suivants :

1o Un courant sous les 3-5° lat. N. porte directement des îles de l’archipel indien à Panama[2]. Il y a bien au nord et au midi d’autres courants en sens opposé, mais ils proviennent de régions trop froides pour le Cocotier et ne touchent pas à l’Amérique centrale où on le suppose indigène d’ancienne date.

2o Les habitants des îles asiatiques ont été des navigateurs beaucoup plus hardis que les Indiens d’Amérique. Il est très possible que des pirogues, contenant des noix de coco en provision, aient été jetées par les tempêtes ou par de fausses manœuvres des archipels d’Asie sur les îles ou sur la côte occidentale d’Amérique. L’inverse est infiniment peu probable.

3o L’habitation, depuis trois siècles, est bien plus vaste en Asie qu’en Amérique, et avant cette époque la différence était plus grande, car nous savons que le Cocotier n’était pas ancien dans l’orient de l’Amérique tropicale.

4o Les peuples de l’Asie insulaire possèdent un nombre immense de variétés de cet arbre, ce qui fait présumer une culture très ancienne. Blume, dans son Rumphia, énumère 18 variétés de Java ou des îles voisines et 39 des îles Philippines. Rien de semblable n’a été constaté en Amérique.

5o Les emplois du Cocotier sont également plus variés et plus habituels en Asie. C’est à peine si les indigènes d’Amérique savaient l’utiliser autrement que pour le lait et l’amande du fruit, sans en tirer de l’huile.

6o Les noms vulgaires, très nombreux et originaux en Asie, comme nous le verrons plus loin, sont rares et d’origine souvent européenne en Amérique.

7o Il n’est pas probable que les anciens Mexicains et habitants de l’Amérique centrale eussent négligé de répandre le Cocotier dans plusieurs directions s’il avait existé depuis une époque très reculée sur leur continent. Le peu de largeur de l’isthme de Panama aurait facilité le transport d’une côte à l’autre, et l’espèce se serait vite établie aux Antilles, à la Guyane, etc., comme elle s’est naturalisée à la Jamaïque, Antigua[3] et ailleurs depuis la découverte de l’Amérique.

8o Si le Cocotier, en Amérique, remontait à des temps géologiques plus anciens que les dépôts pliocènes ou même éocènes en

  1. Stieler, Hand Atlas, éd. 1867, carte 3.
  2. Stieler, ib., carte 9.
  3. Grisebach, Flora of british W. India islands, p. 522.