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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

Toutes ces Avoines étant cultivées sans qu’on ait découvert ni les unes ni les autres à l’état vraiment spontané, il est bien probable qu’elles proviennent d’une seule forme préhistorique, dont la patrie était l’Europe tempérée orientale et la Tartarie.

Millet commun. — Panicum miliaceum, Linné.

La culture de cette Graminée est préhistorique dans le midi de l’Europe, en Égypte et en Asie. Les Grecs en ont parlé sous le nom de Kegchros et les Latins sous celui de Milium[1]. Les lacustres suisses, à l’époque de la pierre, faisaient grand usage du Millet[2]. On l’a trouvé aussi dans les restes des palafittes du lac de Varèse en Italie[3]. Comme on ne retrouve pas ailleurs des échantillons de ces anciens temps, il est impossible de savoir quel était le Panicum ou le Sorghum mentionné par les auteurs latins, dont les habitants de la Gaule, de la Pannonie et autres pays se nourrissaient.

Unger[4] compte le P. miliaceum parmi les espèces de l’ancienne Égypte, mais il ne paraît pas qu’il en eût des preuves positives, car il n’a indiqué ni monument ou dessin ni graine trouvée dans les tombeaux. On n’a pas non plus de preuves matérielles d’ancienne culture en Mésopotamie, dans l’Inde et en Chine. Pour ce dernier pays, la question s’est élevée de savoir si le Shu, une des cinq céréales que les empereurs sèment en grande cérémonie chaque année, est le Panicum miliaceum, une espèce voisine, ou le Sorgho ; mais il paraît que le sens du mot Shu a. varié, et que jadis on semait peut-être le Sorgho[5].

Les botanistes anglo-indiens[6] attribuent à l’espèce actuelle deux noms sanscrits, Unoo (prononcez Ounou) et Vreekib-heda (prononcez Vrikib-heda, quoique le nom moderne hindou et bengali et le nom telinga Worga soient tout autres, Cheena (prononcez China). Si les noms sanscrits sont réels, ils indiquent une ancienne culture dans l’Inde. On ne connaît pas de nom hébreu ni berbère[7] ; mais il y a des noms arabes, Dokhn, usité en Égypte, et Kosjæjb en Arabie[8]. Les noms européens sont variés. Outre les deux noms grec et latin, il y a un nom vieux slave, Proso[9], conservé en Russie et en Pologne, un nom vieux allemand, Hirsi, et un nom lithuanien, Sora[10]. L’absence de noms celtiques est remarquable. Il

  1. Les passages de Théophraste, Caton et autres sont traduits dans Lenz, Botanik der Alten, p. 232.
  2. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 17.
  3. Regazzoni, Riv. arch. prov. di Como, 1880, fasc. 7.
  4. Unger, Pflanzen des alten Ægyptens, p. 34.
  5. Bretschneider, Study and value of chinese bot. works, p. 7, 8, 45.
  6. Roxburgh, Fl. ind., éd. 1832, p. 310 ; Piddington, Index.
  7. Rosenmüller, bibl. Alterth. ; Dictionn. français-berbère.
  8. Delile, Fl. ægypt., p. 3 ; Forskal, Arab., civ.
  9. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, éd. 2, v. 1, p. 354.
  10. Ad. Pictet, l. c.